01/11/2011

Grand raid de la Réunion 2011: la longue diagonale d'un fou

J'ai survécu!!!!!!!

Pour le suspense on repassera. Mais c'est tellement bon!
Jeudi 13 Octobre 17 heures.
Je suis sur la "plage" de Cap méchant. Le stress est là et m'empêche de me reposer comme je l'espérai. Je tourne, retourne, vérifie mes différents sacs encore et encore, potasse ma feuille de route. Dans quoi je m'engage? Suis je suffisamment entraîné? Dans quel état j'erre?


Après avoir déposé mes sacs pour les 2 bases vies et pour l'arrivée je passe le contrôle des sacs.Tout est ok vous pouvez y aller. Maintenant c'est certain je suis bien au départ de la Diagonale des fous 2011!
L'attente sera finalement moins pénible que prévue même si le sol en gravier du stade n'est pas des plus confortable.
21h45: La masse de quelque 2320 coureurs s'agglutine vers la ligne de départ. L'excitation monte de plusieurs crans. 1 petit discours et il est temps de lâcher les fauves.

Jeudi 22h: C'est parti.

Premier objectif: sortir du stade sur ses 2 pieds et sans s'écraser comme une merde sur le poteau du milieu sous la pression de la masse des coureurs. Objectif atteint!

Toute l'île vibre pour l'évènement

Et là, première grosse claque: il y a un mode fou sur le bord de la route avec une ambiance de feu. Je suis à la limite de verser une petite "larmounette"! Restons concentrés: surtout ne pas partir trop vite, le chemin est encore long.
Les 3 kilomètres de route c'est fait et maintenant on tourne à gauche dans les champs de cannes. D'un coup le silence se fait. La course commence vraiment. La concentration s'installe et chacun s'installe dans sa "bulle"

Avec un peu de recul mon rythme était vraiment trop pépère sur cette partie. En mettant 10' de moins je n'aurai pas mis ma course en péril et j'aurai eu un peu moins de bouchons et d'arrêts intempestifs dans la deuxième section. (10'= 300 places)
Donc rythme bien cool sur la route forestière, bouchon au pointage, arrêt efficace au ravito pour ajuster les niveaux et c'est parti pour le premier gros chantier.

1= Départ/ Kiosque basse vallée: 16k 700d+: v00h24 1809ème.

D'entrée cela monte sévère sur un mix racine cailloux assez humide. Il y aura de nombreux arrêts "bouchons" sur cette partie avec quelques passages ou il faut mettre les mains. Je suis zen même si quelques abrutis trouvent nécessaire de forcer le passage pour gagner quelques places au prix de quelques acrobaties bien superflues...

C'est parti pour la première "grimpette" sous de nombreux encouragements
En "peu" de temps je me retrouve à deux doigts de la catastrophe. Mon estomac fait rapidement des loopings et souhaite se vider d'un certain surplus. Malheureusement le sentier est particulièrement étroit et il est impossible de s'en écarter tant la végétation est dense. Va falloir attendre un petit peu pour pouvoir "vidanger".
A force de monter la température devient plus fraîche et avec la "légère" humidité ambiante j'ai de la buée sur les lunettes. Et bien je les accrochent sur la sangle du sac.
Petit arrêt pipi: contrôle couleur/odeur: OK!!!! C'est reparti.

On atteint bientôt l'altitude 1500 et la vue se dégage.
La végétation devient moins dense, il est temps de faire un petite escapade aux WC. Cela me pique tellement le nez que l'ami "Raoul" n'est pas loin de s'inviter à la petite sauterie... Et en plus le passage du papier triple épaisseur est assez "brûlant"! Pas cool tout ça.
C'est pas tout mais on a une montée à finir mon bon monsieur. Je réussi à réintégrer la file de frontales qui monte.

La végétation étant moins dense, il y a quelques courants d'air. Nouvel arrêt pour mettre un TS ml, le coupe vent et les gants.

Et tient mes lunettes? Ah ben zut, flûte et autres *%#§*µ*. Bon ben il va falloir faire environ 140 bornes sans.... Rajoutons donc un petit handicap à cette course qui s'annonce beaucoup trop facile!


Avec tout cela j'ai perdu pas mal de temps et le moral est un peu atteint par ce démarrage assez délicat. Je suis un peu inquiet pour la suite.
Bonne nouvelle le jour se lève, le ravito arrive enfin et surtout mon estomac a décidé de me laisser un peu de répit.
Arrêt rapide pour boire une soupe aux vermicelles et rajouter un peu d'eau sucrée salée dans le camel.

2= Foc foc: 23,7k 2494d+: v05h26 2087ème.

En repartant j'allume le portable pour avoir les sms "classements" et pour découvrir les premiers messages d'encouragements. Cela fait du bien de se sentir soutenu à plus de 10000 kilomètres.
Le terrain est quasi plat jusqu'au volcan et cela me permet de dérouler un petit peu tout en restant raisonnable. Je ne souhaite pas voir de trop prêt la roche volcanique à cause d'une petite chute.


Je profite du magnifique paysage (oui oui même sans lunettes...).

3= Volcan: 30.9k 2590d+: v06h17 2026ème.

Le ravito passé on accède au fameux passage de la plaine des sables. Avec l'arrivée du soleil c'est tout simplement époustouflant. L'hélico-caméra passera un long moment au dessus de nos têtes.

Décollage pour la lune
 Pour sortir de ce passage un mur se dresse face à nous: la montée du rempart: juste 240d+ en même pas 1k!!! Et bien même pas mal. Le rythme est bon et je double assez régulièrement du monde.

1 petit mur nous attend
Un petit bout de descente sur un sentier encore à base de roche volcanique et on arrive au petit ravito de Piton textor.
L'arrêt est une nouvelle fois assez efficace: 1 coup à boire, 2/3 trucs à grignoter et faire les niveaux des bidons.

4= Textor: 40.1k 2985d+: v07h55 1882ème.

En quittant le ravito le décor et le sentier changent: on passe dans une partie plutôt "alpage" bien verdoyante avec quelques passages un peu boueux. C'est globalement bien roulant. Il faut quand même être vigilant vu que le sentier est jalonné par des barbelés! Il commence à faire bon, il est grand temps de poser coupe vent et TS ml avant qu'il ne fasse trop chaud.
Et zou un bout de route bétonnée pour arriver au gros ravitaillement de Mare à boue.
Beaucoup profitent d'un assistance perso.


De nombreuse entreprises ou clubs ont une organisation au top avec tente, lits, sac de rechange et ravitaillement perso voir kiné pour certains et cela sur de nombreux points du parcours.
Il est possible de manger chaud sur ce gros ravitaillement.

Les alpages de la Réunion
Cela ne me tente pas trop et les tables en plein soleil ne m'attirent pas vraiment... Je refais le plein des bidons en remettant un peu de poudre, remplissage du camel et je n'oublie pas de boire et de manger. J'en profite aussi pour changer de Tee shirt.

5= Mare à boue: 50.4k 3072d+: v09h39 1696ème.


Malgré la montée plus que foirée vers le volcan, cette 1ère "tranche-objectif" est convenable: je vais bien tout va bien! J'ai mis 9' de plus que prévu. (pas mal jugé sur 11h30 de course).

Hoho joli l'état des chaussures...
Après 20' de pause il est temps de repartir. Et oui le chemin est encore long et une partie gratinée approche à grand pas. Le redémarrage est agréable et permet de trottiner gentiment mais cela ne dure pas bien longtemps.
Je cite le road book: "1 descente sportive vous attend". C'est le moins que l'on puisse dire: c'est super gras, bien raide et assez "gazeux" par endroit. La progression est assez lente voir nulle du fait de quelques bouchons. Vu que je n'ai pas pris mon casque je ne me sent pas l'âme d'un cascadeur!
L'arrivée sur la route est saluée par de nombreux spectateurs. Maintenant 3 kilomètres de route avant d'être fixés sur notre sort pour la suite.

Cela se corse
Au briefing  il était envisagé d'éviter les sentiers de cette partie en passant par la route car les pluies des 3 dernières semaines pouvaient rendre le parcours impraticable.
Je suis resté concentré sur un passage sentier pour ne pas avoir de faux espoirs. Et bien j'ai eu raison!

Messieurs/dames tournez à gauche pour prendre le sentier de la rivière.
Pfuuuuttt c'est quoi ces traileurs qui rechignent pour un malheureux passage de même pas 1k...
Aller c'est parti pour un sentier de 800 mètres.

Les pieds au sec...

Je parcoure ce tronçon en un peu plus d'une demie heure! Oui vous avez bien lu.... Globalement j'ai passé plus de temps à 4 pattes que debout! (en montée pour ne pas reculer et en descente pour éviter de se péter la gueule!)
Le moral en prend un sacré coup quand on enchaîne avec les deux sentiers suivants. On a le droit à la totale!

La situation s'améliore
Je galère beaucoup pour une progression plus que lente (presque 4h30 pour faire 10 bornes/450d+...) et j'y laisse aussi énormément de force.
Je suis tellement concentré pour regarder où poser les pieds que je me "mange" un tronc d'arbre sur le haut de la tête.
Enfin sorti de l'enfer!
Quand on sort enfin de cet enfer marron c'est le soulagement généralisé dans le peloton mais cela aura fait beaucoup de dégât. Je n'ose même pas imaginer le carnage si on avait eu un temps de merde.
La descente vers Hell bourg permet de dérouiller un peu les jambes et de s'aérer l'esprit.

6= Hell Bourg: 71.5k/ 3608d+:  v16h27 1602ème.

Je n'ai pas vraiment compris pourquoi on pointe à l'entrée du village et en suivant à l'entrée de la zone de ravitaillement... Mon arrêt n'est pas de 9' mais plutôt de 35.
Suite à des conseils avisés je change de chaussettes. Je galère pas mal pour renfiler mes chaussures. Je prépare aussi les affaires pour affronter la nuit qui ne vas pas tarder à tomber et je "tombe" sérieusement sur le ravito: soupe aux vermicelles bien chaude, sandwichs à la vache qui rie, banane, un peu de coca 
Je fais aussi le plein des bidons: boisson énergétique, thé chaud et remplir le camel.

C'est pas tout çà mais j'ai rendez vous avec la montée du cap Anglais pour rejoindre ensuite le gîte du piton des neiges.
Hell bourg/Cap Anglais 5k 1160d+! Une paille après un peu plus de 70 bornes et en complément de la séance bain de boue de Bélouve!

Cette montée sera rapidement un cauchemar pour moi. Je n'ai pas d'énergie et je me traîne la plupart du temps à 4 pattes pour passer les passages bien raides. Je suis à la limite de planter les dents pour ne pas reculer...
Les pauses se multiplient et j'ai beau m'alimenter il n'y a pas la moindre amélioration.
Et forcément je suis un peu moins lucide donc je ne loupe presque aucune occasion de mettre les pieds dans l'eau ou la boue et en plus je commence à voir des coureurs dans les arbres ou des chiens qui se transforment en cailloux dès que je m'approche...

A priori il y a quelque chose. Mais quoi?
En 1 mot c'est la galère complète! Je suis soulagé quand mes prédécesseurs annoncent l'arrivée au Cap.
La suite jusqu'au gîte est moins féroce et je retrouve un peu d'énergie pour me hisser jusqu'au point le plus haut de la course.

7= Gîte: 80.8k/ 5101d+: v21h59 1552ème

Je pointe avec 44" d'avance par rapport à la barrière horaire originale (ouf!!!). 30' de rab accordé ici ainsi que pour l'arrivée à Cilaos suite à la partie "Vietnam" des sentiers de Bélouve.
A partir de là j'ai rangé ma feuille de route qui a pris un gros éclat entre Mare à Boue et le gîte: 3heures perdues en 30 bornes...
L'objectif du moment est d'arriver à Cilaos pour pouvoir se reposer un peu avant de repartir pour finir l'aventure.

Après 12 heures de galère la descente se passe bien, je retrouve un peu d'énergie et de plaisir,et je rattrape bon nombre de coureurs.
Sur la fin je suis un peu bloqué car le groupe devant est vraiment trop important pour pouvoir doubler tout le monde sans prendre trop de risque. Et puis je commence à ressentir une grosse fatigue.

En mode pilotage automatique?
J'enquille les 3k de routes jusqu'au stade en courant sur un bon rythme: je veux "gagner" un maximum de temps de repos par rapport à l'heure obligatoire de départ de Cilaos qui est fixée à 03h30.

8= Cilaos entrée: 88.9k 5121d+: s00h34 1471ème.

Je récupère mon sac "assistance" et décide de me laver les pieds et les jambes. Hop à l'eau fraîche! Je rechange de chaussettes et je change de chaussures. Adieu mes Lafuma (et hop à la poubelle!!!) Welcome des cascadia touts propres et sèches. Je me change intégralement tout en picorant du salé. Je change les piles de la frontale et décide d'aller me poser sur un lit car la fatigue est bien présente. 1ère tente visitée: bingo 1 place libre.
Je m'accorde 1h15 de repos. Je programme le téléphone que je cale à coté d'1 oreille grâce à l'élastique de la frontale. Et c'est parti! ZZZZZZZZZZzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz


A vrai dire je n'ai pas vraiment dormi, plutôt somnoler,mais cela fait quand même du bien de fermer les yeux.
J'arrive à me lever sans problème. 1 petit tour au ravito et là mauvaise surprise: le resto est fermé! Et me..e je me serai bien taper une entrecôte sauce roquefort et une banana split!!
Ce sera soupe aux vermicelles et le picorage habituel du ravito.

9= Cilaos sortie: s02h46 1225ème.

Ou comment gagner presque 250 places en étant arrêter!
Cilaos "Tsilaosa: l'endroit que l'on ne quitte pas". Et bien si: je me remet en route. La redoute me voilà!
89 bornes 5120d+ au compteur. 73k et 4500d+ à venir!
Je quitte Cilaos 45' avant la limite mais je n'ai pas la pression car la marge est assez grande sur les prochains pointages.


Le redémarrage se passe bien. Je n'ai mal nulle part et la pause à fait du bien. On descend jusqu'à la cascade. Bon pour la vue on repassera à un autre moment que 4 heures du matin. Et ensuite on remonte pour rejoindre la route. Le sentier est agréable avec quelques coups de "culs" sympa.
Pas mal de coureurs sont sur le bord du sentier en mode "papillote" pour se reposer.

10= Pied du Taïbit: 96k 5503d+: s05h03 1148ème.

Il y a une super ambiance sur ce ravitaillement avec des bénévoles bien dynamiques. Arrêt rapide pour prendre un bien agréable thé chaud et en mettre dans un bidon, un petit coup de grignotage et je repart bien décidé à l'assaut de la montée du Taïbit. 
Cette montée sera un vrai régal: le jour se lève et les jambes fonctionnent bien.

Les 3 Salazes
Moins d'1h50 pour les 950d+: cela fait plaisir après 31 heures de course. Je prends le temps au col pour profiter du paysage.

Vue sur Marla et l'entrée du cirque de Mafate
Maintenant place à 30 bornes dans le cirque de Mafate sans issue de secours possible. Cela ne me dérange pas je n'ai aucunement l'intention d'abandonner!
La descente en mode j'économise les cuisses et hop me voilà à Marla pour le petit déj!

11= Marla: 102.2k 6453d+: s07h37 1067ème.

Et bien ce sera un succulent poulet pâtes qui fait un bien fou. 1 petit café et quelques "sandwichs qui rient" plus tard je suis frais comme un gardon.
Aller on enlève l'attirail nuit et on sort la panoplie "journée chaude" et c'est parti pour une traversée de Mafate au taquet...
A bloc (au moins...)

La descente vers roche plate commence gentiment puis cela se corse un peu pour aller traverser la rivière des galets. Et oui on retrouve du caillou. et à 8 heures le soleil tape déjà fort.

12= Roche plate 105.2k 6458d+: s08h55 1035ème.

Arrêt rapide pour boire un petit coca et rajouter un peu d'eau dans les bidons.

Et 1 passage à gué 1
On retraverse la rivière. Je suis tellement agile que plouf les 2 pieds dans l'eau. C'est ballot et cela va me coûter cher par la suite.
Au programme 5k pour passer de 1220 à 1110 mètres. Cela a l'air facile à part qu'il y a des coups de culs à la pelle pour un total de 400d+...
Et pas de bol les nuages arrivent de chaque coté du cirque mais le soleil est bien au milieu. Il fait bien chaud dans les cailloux. On avance, on avance!

13= Roche plate 110.5k 6850d+: s10h31 1035ème.

L'arrivée à Roche plate fait du bien: l'ombre est la bienvenue. Un paquet de coureurs en profite pour se poser. Je me ravitaille en sandwichs et boit 2 verres de coca. J'en met aussi dans un bidon.
Me sentant bien je ne m'éternise pas.
Hop une bonne montée pour atteindre la brèche et après 1 descente pas vraiment roulante dans les rochers.
Il fait vraiment soif sur cette partie et le raidillon qui permet d'accéder à l'ilet des orangers fini de vider mes réserves pile poil quand j'arrive en vue du ravito (quelle maîtrise!)

14= Orangers: 115.4k 7135d+: s12h10 1005ème.

Cela fait 38 heures que l'on est parti et cela se sent. On cherche à nouveau l'ombre pour se ravitailler tranquillement.
J'évite de trop traîner et après avoir fait le plein je m'engage sur la prochaine section qui s'annonce assez coton.

L'ilet des orangers
La descente vers la rivière n'est pas vraiment roulante et je n'arrive pas à prendre un rythme régulier.

J'ai les pieds qui chauffent sérieusement mais je n'y porte pas plus attention que cela...
Bonne nouvelle les nuages cachent enfin le soleil et la température devient plus confortable.

A la descente c'est pas très roulant...
Traversée par la passerelle pour aller attaquer une courte mais rude montée qui pique bien les cuisses.
Je suis content car le rythme est bon. J'ai même un début d'état euphorique! Mais cela ne durera pas 5 minutes!

A peine la descente entamé j'ai les pieds en feu mais aussi l'entre jambe! aïe aïe aïe hémorroïdes!!!!!!
Et en plus c'est le retour des hallucinations: sur la passerelle d'Oucy je me crois sur un tapis roulant et suis pas loin de me péter la gueule à la fin du "tapis"....

Curieux le tapis roulant
Et je vous parle pas des coureurs dans les arbres ou autres vélos adossés au cailloux... (je vous jure Monsieur l'agent j'ai rien fumé!)


Je marche tel le cow boy  descendant de son cheval après une très longue chevauchée et suis soulagé quand j'arrive à trottiner.
Dans cette galère j'ai un flash: A avoir 1 tube de biafine dans le sac, autant s'en servir. Et hop 1 arrêt "tartinage à la biafine".
Cela calme le feu entre les jambes et me permet de rejoindre avec un certain plaisir la base vie de 2 Bras.

15= Deux Bras: 125.8k 7515d+: s15h11 1006ème.

Je récupère mon sac et m'installe au "resto" pour consommer 1 bon petit carry poulet bienvenu avec un bon coca. Je me ferai bien un café liégeois mais ce n'est pas au menu...
Ayant une marge plus que confortable d'avance sur les barrières horaires (9h20 avant la fermeture du poste!!!) je prends mon temps pour faire le tour des différents "stands".


Stand numéro 1: le poste podologue. Bonjour j'ai des lampadaires à la place des pieds, pouvez vous faire quelque chose pour moi?
On soigne les 4 ou 5 ampoules douloureuses, 1 peu de pommade et un coup d'elasto sur chaque pied pour finir de protéger les pieds. J'en profite pour changer de chaussettes et hésite à changer de chaussures (à posteriori j'aurai mieux fait de changer.)

Stand numéro 2: la case médecin. Pouvez vous éteindre le feu qui me ravage l'entre jambe? Une très grosse tartine de biafine protégée par un pansement et me voici soigné.

Stand numéro 3: le poste dodo (non non pas la bière!). Mauvaise pioche pour le lit: ne jamais prendre le 1er lit à l'entrée (bruit/lit secoué et autres plaisanteries assez gonflantes). Au bout d'une demie heure de somnolence hachée je suis assez agacé par cette agitation et décide de lever le camp.

16= Deux bras sortie: 17h14 1025ème.

On teste le bonhomme au redémarrage: pieds ok/ Entre jambes ok. Cool.
Comme je suis un manche, je me rate lamentablement au passage à gué. Et hop durée des chaussettes sèches: environ 10'! Bien joué mon grand.

En rando le dimanche précédent
Voilà qui fini de m'agacer après la sieste foirée. je sors l'arme absolue de mon sac: 1 paquet de dragibus!
Et j'attaque la montée vers dos d'âne comme un bourrin. Je sais que ce n'est absolument pas raisonnable mais je m'en "tape" et me régale! J'envisageai une montée en environ 2h15. Top chrono 1h30!!!! Ce mec est gravement atteint!  Même des coureurs du trail de Bourbon n'arrivent pas à suivre mon rythme.

Bracelet jaune ou bleu: qui est le plus frais?!
Arrivé en haut je prend une grosse claque: 1 monde fou nous accueille comme des héros On se croirait sur une étape du tour avec au moins 5 rangées de spectateurs de chaque coté du chemin.  J'en ai encore des frissons  en y repensant.

Aller il est temps de sortir la frontale pour attaquer la 3ème nuit.
Ah ben c'est ballot: elle est restée allumée toute la journée dans le sac! Forcément elle éclaire plus trop. Pas grave, je sors le jeu de piles neuves et c'est reparti.
Ben c'est ballot numéro 2: piles défectueuses et au bout de 10 minutes je ne vois presque plus rien...grrrrrrrrrrrr

De jour la vue est agréable
Heureusement j'ai ma petite frontale de secours. Elle éclaire pas terrible mais c'est mieux que rien.
Ce coup de stress et la montée en sur régime ont un effet immédiat sur ma progression: je suis complètement scotché dans la descente et je bloque sur toutes les difficultés, me traînant lamentablement jusqu'au prochain ravito tout en gambergeant à "comment gérer" 1 nuit entière avec un éclairage faiblard qui n'arrange pas ma fatigue physique et visuelle.

17= Chemin ratineau s20h02 1005ème.

En arrivant je me met à la recherche de piles et coup de bol une bénévole m'en procure! Yes je vais voir un peu mieux pour la suite de la nuit. 1 coureur qui abandonnait était prêt à me dépanner aussi.
Je me ravitaille sérieusement et refais les niveaux d'1 bidon et du camel. Le 2ème bidon est devenu toxique: a force de mélange plus ou moins heureux tout à mauvais goût...
Aller c'est parti pour 11k à grand majorité en descente.

Et bien là je suis complètement à plat, sans énergie. Comme je ne suis plus vraiment droit sur mes jambes et sans force au niveau de la sangle abdominale je commence à avoir sérieusement mal au dos.
Plus j'avance et plus je suis plié en deux.

C'est un vrai calvaire agrémenté de nombreux arrêts et d'un très gros coup de barre. Je pourrai m'arrêter sur le bord du sentier pour dormir mais je tiens absolument à aller jusqu'à La possession pour voir un kiné.

18= La possession 141.1k 8473d+ s23h17 1012ème.

49h depuis le départ. Et bien le grumlie est complétement fracassé....
Et pas de bol il n'y a pas de kiné sur ce poste. grrrrmbbbbbblllllll merde quoi!
Avec le médecin on part sur une grosse louche de synthol et un emplâtre chauffant pour essayer de détendre tout cela. Par contre je botte en touche pour les anti inflammatoires: je tiens à mon délicat estomac...

Je réuni l'ensemble du comité d'administration qui vote à l'unanimité la résolution 12222: dodo 2h!
En même temps c'est mérité:  cela fait plus de 64 heures sans vraiment dormir!
Je dors comme un bébé sur la pelouse du stade. 1 personne attentionnée aura la gentillesse de me mettre une couverture sur le corps. Merci à elle.

Dimanche 01h40: Réveil! J'arrive à me lever et le dos ne couine pas. Chouette alors. Passage au ravito pour 2 succulents verres de chocolat bien chauds et pour prendre des produits adaptés à la diététique de l'ultratraileur: pain au chocolat/croissant et autre "sandwich qui rie". Refaire les niveaux.

Je lève le camp à 02h pétantes. Il est grand temps de se finir! 20 bornes et 1200d+ à faire. Une paille après 52 heures! Hop c'est partant en trotinnant pour traverser La Possession.

Après en avoir bien chié dans la montée du cap anglais et  bien bis repetita dans le chemin des anglais!
Oh my god:  #*§%# de chemin pavé. Quelle galère. J'avance lentement et par à coups en bloquant sur tout et n'importe quoi. Et voilà qu'arrivé sur le plateau c'est un concours de montagnes russes qui finit de me couper les jambes.
Pour résumer dès qu'il y a "anglais" ou "ravine" au programme et bien je galère.
C'est le moment ou apparaît une gêne bien marquée au niveau de la malléole droite. Et oui c'est le risque en prenant des chaussures assez fatiguées... La descente est plus que laborieuse alors que je n'ai pas la moindre souci aux cuisses.

19= Grande chaloupe: 146.3k 8833d+ d04h32 1064ème.

L'arrêt est rapide: 2 bols de soupe, quelques sandwichs, refaire le plein et fuir rapidement le bruit assourdissant de la techno parade de la salle de jeu installée à coté du ravito. Je plains les pauvres bénévoles qui doivent avoir les oreilles qui sifflent.

Je trottine gentiment sur les 500 mètres de plat et m'engage dans la montée. Je suis tellement lucide que je ne comprends pas pourquoi il y a des palettes et de la rubalise qui coupent le chemin.
Hep hep c'est à gauche. Ah oui merci bien .
La fonction pilotage automatique a des ratés...

les derniers 800d+ me tendent les bras! J'arrive pour la première fois depuis bien longtemps à monter avec un rythme régulier! Bon d'accord je vais pas bien vite mais j'avance sans arrêt intempestif.
Le jour se lève et la vue sur l'océan derrière nous est assez sympa.


Même si c'est un peu longuet je continue à avancer convenablement sur la portion de route. Certains profitent des abri bus pour faire une petite sieste.

Au moment de retrouver les sentiers un panneau indique: la fenêtre 1k 00h30. Aïe je sens bien le bon sentier truffé de racines et de cailloux avec un  juste un peu d'humidité histoire que cela soit glissant.

ho hisse

Bingo. J'ai beau manger et boire je n'ai pas d'énergie et mentalement je n'ai plus envie de forcer, donc je me traîne.
1 supporter qui attend son "dalon" essaye bien de me relancer en m'ouvrant la voie mais rien n'y fait.
J'arrive enfin au Colorado. L'air y est assez vivifiant avec un petit vent qui réveille!

20= Colorado: 156.8k 9656d+: d 08h22 1071ème.

Dernier arrêt pour un bon thé bien chaud, 1 petit sandwich et une banane. Et maintenant "yapluka" descendre jusqu'au stade.

Je profite d'une portion herbeuse pour faire un petit footing de décrassage et reprend rapidement un rythme "pépère bien entamé" dès que le terrain redevient "racino-caillouteux".

Je vais bien, tout va bien
Les encouragements se multiplient: Bravo bravo, aller montre ce bracelet jaune qui distingue les grands raideurs, tu peux être fier de toi, bravo!

le stade est enfin en vue, cache ta joie!
Au passage sous le pont mes dernières poches de résistances lâchent. L'émotion me submerge et j'éclate en sanglots. Je savais que cela finirai comme cela car ce projet était ma façon de rendre hommage à mon père.

Je fais donc mon entrée sur le stade en pleurant à chaudes larmes. J'effectue mon 1/4 de tour de stade sous les nombreux bravos et félicitations et passe enfin la ligne d'arrivée dans un cocktail de joie (si si), de fierté, d'émotions intenses et de fatigue généralisée!

La redoute: 161.8k 9656d+: d10h10: 1078ème.


Voilà c'est fini. J'ai cumulé un bon nombre de péripéties et autre boulettes de néophyte mais je suis allé au bout de cette aventure sans trop de bobos. Je fais parti des 53% à avoir terminé la course et c'est la plus belle des victoires.
Si j'ai le courage et l'envie je ferai peut être un debriefing "technique" de ma course.

Un grand merci à tous pour les heures passées à arpenter les sentiers, les bons moments autour d'une table ou les différents périples divers et variés et pour les messages d'encouragements. Vous m'avez bien aidé à aller au bout!

8 commentaires:

  1. Waouh, respect, honneur et bravo pour cette très très très grande et belle aventure. Je me sens merdeux avec mes hospitaliers maintenant moi, lol.
    Où qu'il soit ton paternel peut être fier de toi.
    Allez Romain reposes toi bien et tu nous racontera tout ça de vive voix la prochaine.
    Encore un énorme bravo !!!!!

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  2. Oui, tu peux être fier d'être aller au bout de cette grande aventure que tu as vraiment sur-vécue...Respect total pour ton abnégation et ton courage !

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  3. Bravo champion
    tu as plus que réussi ton défi
    Sportivement

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  4. Chapeau bas Monsieur Romain !
    Merci pour ce beau récit de cette grande aventure tant attendue et pour laquelle tu t'étais si longuement préparé.
    Le travail paye toujours même si sur une telle épreuve le mental jour énormément pour arriver à "survivre".
    ( j'ai bien aimé les passages "hallucinations" ;-) )

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  5. Grumlie qui se change parfois en Gaston Lagafe et Capitaine Haddock!!!
    Cette Grande et Belle Épreuve n'a pas entamé ton éternel humour.
    Superbe récit et ne parlons pas des photos...
    Bravo pour ce formidable exploit qui a du te détruire physiquement mais d'où tu sors grandi .
    Je tiens à t'accorder mon plus profond respect.
    Bonne récup et à très bientôt pour de nouvelles escapades où nous ne verrons plus le "grumlie" de la même façon

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  6. Un seul mot : RESPECT :P

    Bonne récupération et au plaisir de se revoir un de ces 4 :)

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  7. Bravo l'artiste, pour ton très bon récit qui a du te prendre quelques plombes et puis pour cette grande traversée que tu as brillamment réussie, malgré quelques douloureuses entraves.
    Ton père peut être fier de toi.
    Bonne récup avant de se retrouver sur les sentiers, tu es maintenant le plus titré de la bande.
    Michel

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  8. Bravo champion,
    Ton récit est sensas l'on y ressent et revi bien l'effort et l'énergie que tu y a mis.
    nous avons fini pas loin l'un de l'autre donc nous étions dans les mêmes galères aux mêmes moments.
    de superbes photos agrémentent tes textes sympa.
    tu à l'esprit d'un warrior et la modestie d'un raideur
    peut être sur un prochain sentier
    Tu apparais sur ma vidéo "direction Marla à la fin"
    sportivement
    pierre alias millepattes77.overblog.com

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